Défaillances d’entreprises : les raisons de la hausse

Mis à jour: 30 novembre 2023
Bibby Financial Services
Bibby Factor France

Les défaillances d’entreprises augmentent depuis 2022. Elles ont désormais renoué avec leur niveau d’avant-Covid. Les aides accordées aux entreprises pendant la crise sanitaire ont permis aux plus fragiles de traverser cette période inédite sans trop de difficultés. Aujourd’hui, le « quoi qu’il en coûte » est terminé, et les perspectives des entreprises fragiles s’assombrissent dans un climat économique tendu.

Défaillances, de quoi parle-t-on ?

Selon la Banque de France, on parle de défaillance d’entreprise dès lors qu’une procédure collective est engagée et donne lieu à une déclaration de cessation de paiement. Sont donc comptabilisées les entreprises en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire. En revanche, les sociétés pour lesquelles une procédure de sauvegarde ou de conciliation est ouverte ne sont pas recensées comme défaillantes.

La cessation de paiement (ou dépôt de bilan) intervient quand une entreprise ne dispose plus de l’actif disponible suffisant pour régler son passif exigible, c’est-à-dire ses dettes échues.

Vers 55 000 défaillances en 2023

D’après une étude du cabinet Altares 11 000 entreprises ont entamé une procédure de sauvegarde ou se sont engagées dans un processus de redressement ou de liquidation judiciaire au 3e trimestre 2023. C’est 23 % de plus par rapport à la même période en 2022. À noter que la hausse a ralenti, puisqu’elle était de 47 % chaque trimestre depuis début 2022. Sur les 9 premiers mois de l’année, on compte déjà 41 000 défaillances et on devrait enregistrer 55 000 procédures en 2023 si le dernier trimestre confirme la décélération constatée depuis cet été.

Les PME et les ETI représentent 8,2 % de l’ensemble des défauts, mais concentrent la grande majorité des emplois menacés (58 %). 900 d’entre elles ont défailli : une augmentation de 32 % par rapport au 3e trimestre 2022. Les TPE totalisent 92 % des entreprises en défaillance mais le taux de progression sur le 3e trimestre est moindre, à 22 %. 21 800 emplois sont menacés chez les PME et 15 500 chez les TPE.

Comment expliquer la croissance des défaillances d’entreprises ?

« 72 % des jugements prononcés sont des liquidations judiciaires, un taux très élevé qui confirme la grande faiblesse financière dans laquelle se trouvent ces entreprises. Ce taux de liquidation, inversement proportionnel à la taille de l’entreprise, grimpe à plus de 75 % chez les plus petites structures et descend à 10 % pour les plus grandes. Ces dernières, mieux armées pour piloter leur activité peuvent davantage prévenir le risque. Le temps, et donc l’anticipation, est en effet un facteur essentiel d’une réorganisation réussie mais les plus petites, très sensibles au retournement conjoncturel et en manque de financement, se retrouvent trop vite sous la ligne de flottaison », explique Thierry Million, directeur des études Altares.

Il faut souligner que nous assistons à un phénomène de « rattrapage », cumulé à un contexte économique défavorable hérité des conséquences de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Pendant la crise sanitaire, le nombre de défaillances a été très faible. Les tribunaux de commerce étaient fermés pendant le premier confinement, les dates de caractérisation et de déclaration de l'état de cessation de paiements ont été temporairement décalées, et des mesures publiques ont été mises en œuvre pour préserver les entreprises malgré des arrêts temporaires d’activité. Dès la fin de l’année 2021, avec l’arrêt progressif des aides, le nombre de défaillances a augmenté.

La fin des PGE, les prêts garantis par l’État lancés pendant la période de pandémie de Covid pour soutenir l’activité des entreprises, peut expliquer en partie les difficultés de financement d’entreprises déjà fragiles. Car, non seulement les entreprises ne peuvent plus recourir à ces prêts, mais elles doivent aussi rembourser leurs emprunts. Le tout, dans un environnement particulièrement compliqué : l’augmentation des prix de l’énergie, des coûts de transport ou encore l’inflation pèsent lourdement sur leur trésorerie. Et, bien que l’inflation perde de la vigueur depuis l’été 2023, l’Insee note qu’en novembre le climat des affaires s’est à nouveau dégradé.

Dans le même temps, la hausse des taux d’intérêt bancaires a augmenté le coût de la dette des entreprises qui avaient emprunté à taux variable, avec des répercussions sur leur rentabilité. Elle a aussi compliqué l’accès au crédit des entreprises, notamment pour les crédits de trésorerie : d’après les données de la Banque de France pour le second trimestre 2023, « la proportion d'entreprises ayant demandé des nouveaux crédits est stable à un niveau bas pour les TPE, les PME et les ETI. Le taux d'obtention pour ce type de crédit diminue pour les PME à 83 % (contre 86 % au T1 2023), et dans une proportion plus élevée pour les ETI à 85 % (contre 93 % au T1 2023). Il augmente toutefois à 75 % pour les TPE, ces dernières bénéficiant d'un taux d'obtention plus élevé en moyenne qu'avant la crise Covid. »

La hausse des taux cumulée à l’augmentation du coût de la vie conduit les Français à réduire leur consommation. Cela se traduit par une contraction forte de la demande dans certains secteurs d’activité – l’achat de biens immobiliers, la construction, les commerces de détail, l’hôtellerie-restauration, les services aux particuliers comme les coiffeurs… – et une répercussion sur l’état de santé de nombreuses entreprises.

Enfin, l’augmentation des délais de paiement est également une menace sur la santé financière des entreprises. Les retards de paiement sont passés de 12 jours en moyenne en 2022 à 15 jours cette année d’après le baromètre annuel Arc/Ifop. Près d’un tiers des entreprises enregistrent des retards accrus, contre 24 % l’année dernière. Augmenter le délai de paiement est un moyen pour les entreprises d’optimiser leur trésorerie. Mais cela fragilise d’autant la trésorerie de leurs fournisseurs… Un phénomène en cascade qui peut conduire des entreprises au dépôt de bilan. BpiFrance affirme, dans son baromètre Le Lab Rexecode publié mi-novembre, que « tous les soldes d’opinion sur la situation de trésorerie des TPE/PME suivent un même mouvement de dégradation. (…) Les délais de paiement des clients n’ont jamais été jugés aussi élevés depuis le lancement du baromètre en 2017 ».

Les petites entreprises sont les premières victimes de l’allongement des délais de paiement : dans les TPE, le délai de paiement est de 42 jours.

Anticiper les difficultés

Trop d’entreprises ne font pas suffisamment appel aux mécanismes d’accompagnement ou aux procédures préventives quand il en est encore temps. Le baromètre trimestriel des greffiers des tribunaux de commerce et du cabinet Xerfi, dévoilé par « Les Echos » le 6 novembre, révèle qu’un nombre croissant d’entreprises en difficulté « passent sous les radars et arrivent quasi-mortes au tribunal ». Au troisième trimestre 2023, les greffiers ont détecté 106 000 entreprises en difficulté. En cause : les reports de paiements aux URSSAF et la baisse des dépôts de comptes annuels, qui sont des mines d’informations pour les tribunaux pour détecter des entreprises qui ont besoin d’une protection.

Chiffre d’affaires, carnet de commandes, rentabilité, trésorerie, besoin de fonds de roulement sont autant d’indicateurs à suivre de près en période de turbulence. Sans attendre d’être en difficulté, des mesures de prévention peuvent être adoptées. L’affacturage en fait partie. Cette solution simple, adaptée à toute taille d’entreprise, permet de recouvrer ses factures sans attendre leur date d’échéance. C’est autant de trésorerie disponible pour financer les dépenses courantes et d’investissement de l’entreprise.